Du dimanche 11 décembre au dimanche 18,
J’ai lu :
A Mimir - J’ai commencé à écritouiller du jeu de rôle en scribouillant des feuilles à la main et en accompagnant ça de petits dessins tordus, aussi tout JdR un tant soit peu amateur sur ces points aura toujours une place dans mon cœur. C’est le cas de A Mimir, petit jeu sous la forme (à construire) d’une cocotte en papier, un jeu fait de bouts de tissus collés qui raconte une histoire d’amitié, ou de regret, ou d’autres choses, entre deux chats. C’est un tout mini jeu, c’est un tout mimi jeu !
Trust and Betrayal - Je n’ai jamais vraiment apprécié, en revanche, les hacks de Lasers & Feelings, ce jeu de John Harper avec deux attributs et un seul dé. Le système, comme celui de Honey Heist de Grant Howitt, est des plus élégants mais appelle à mon sens à une certaine paresse dans le game design, et il est vraiment rare de croiser des jeux le réutilisant avec élégance. C’est pourtant le cas de Trust and Betrayal, non pas tant parce qu’il peint un décor d’intrigues et de trahisons dans une cour médiévale mais qu’il s’échappe du modèle du jeu en une page pour proposer plein de tables aléatoires pour planter le décor, le peupler de personnages et lancer des scénarios presque tout faits dedans. Bref, ça reste un mini-JdR mais livré clef en main, ce qui est des plus appréciables.
Cantrip - Je reste dans la thématique des hacks plus ou moins inspirés avec Cantrip, qui utilise les règles de l’écurie Belonging Outside Belonging et rejoint également la pile des jeux proposant de jouer des sorciers et sorcières au sein d’une école de magie. Tout ça te rappelle quelque chose ? C’est normal et il faut dire qu’il n’y a pas grand chose de neuf à se mettre sous la dent au long des 96 du jeu ; il n’est pas mauvais, peut-être juste un peu paresseux dans sa proposition qui met davantage l’accent sur les relations entre les personnages et leurs problèmes personnels que sur les grands problèmes mystiques à résoudre. Mais c’est sans doute un problème entre moi et moi : à force de creuser un genre en particulier, ça devient difficile d’être impressionné ou même convaincu par l’un de ses rejetons…
Canuts ! - Voici un jeu vraiment très joli dans sa maquette toute en retenue (et en jaune) et très original dans ce qu’il propose, puisqu’il s’agit ici de revisiter la révolte des canuts dans le Lyon du 19e siècle. Sacrément dépaysant, donc, et avec un système qui sait se faire discret, ça devrait être un sans faute ? Hélas, à mes yeux le jeu oublie un peu d’en être un et, s’il fournit au lecteur (et potentiel MJ) une trame historique crédible et simplifiée, ça me paraît demander un vrai gros travail pour y impliquer les PJ sauf à caser des cinématiques interminables… Dommage, l’idée était vraiment bonne !
The Illuminatus! Trilogy: The Golden Apple - Je continue de m’enfoncer dans le délire surréalistico-conspirationniste avec ce deuxième tome qui part encore plus dans tous les sens que le précédent, tirant en toute direction sans sembler se soucier d’où tomberont les flèches ni si le lecteur arrivera à les suivre jusqu’à l’arrivée. J’apprécie particulièrement l’aspect métamoderne du roman, qui se plaît à repasser encore et encore à travers les mêmes événements et les mêmes mythes fondateurs, en fournissant à chaque fois une version déformée de la fois précédente, jusqu’à ce qu’on ne sache plus quelle couche du palimpseste croire, ni quelle vérité transportent les personnages… Je doute de trouver des réponses dans le troisième tome, mais on verra bien !
J’ai vu :
Ma Philosophie - J’ai oublié de te parler la semaine dernière de ce spectacle d’une copine et néanmoins personne douée ! Ma Philosophie, c’est la rencontre improbable entre Amel Bent, Kill Bill, le stand-up et les cours de philo, et si je dois avouer que ces 3 éléments ne sont pas présents avec le même niveau de qualité et de réussite tout au long du spectacle, c’est en revanche une comédie qui a le mérite de m’avoir fait apprendre bien plus sur l’histoire de la philosophie que tous mes cours réunis. Bref, une petite curiosité qui vaut le détour !
Our Flag Means Death saison 1 - Ça faisait un moment qu’on m’avait recommandé cette série, qui m’avait de toute façon tapé dans l’œil rien que parce que Taika Waititi en avait réalisé plusieurs épisodes, tout en y jouant un des premiers rôles. Alors c’est une série qui parle de pirates et d’aventures, certes, et ça en fait déjà quelque chose de très bien ; mais en plus c’est drôle sans être stupide (on est plutôt dans le rire gentil, soit mon genre préféré d’humour avec l’absurde) et en plus ça devient de plus en plus queer à mesure que les épisodes progressent. C’est donc une chouette vision de la piraterie qui s’éloigne à grande vitesse des clichés habituels, avec des pirates sanguinaires certes mais aussi des pirates attentionnés ou juste en dehors des normes de la société, et ça fait du bien ! En plus les intrigues sont fort bien troussées et que la saison s’achève sur un suspense des plus déchirants, il n’y a donc vraiment rien à jeter dans tout ça.
Zanox - Il faut se lever tôt pour me faire découvrir une série ou un film qui cause de voyage temporel et que je ne connais pas (pour les bouquins je suis un peu plus faible). Mais comme mes ami·e·s savent que c’est un de mes dadas (avec les labyrinthes et les doubles, si t’as des trucs qui parlent de ça voire des 3 à la fois balance !!) ils me rabattent sur les bons filons, tel l’ami Jérémie qui m’a recommandé via son excellent blog ce film hongrois de boucle temporelle (encore mieux que le voyage temporel) en arguant de ses nouveautés et… bon, c’est vrai, le film présente quelques variations sur le thème intéressante, et son dernier quart d’heure est suffisamment surprenant pour faire hausser le sourcil, mais le reste n’est pas des plus originaux. Ça n’en fait pas du tout un mauvais film, c’est même un très bon divertissement de semaine fatigante, mais je m’attendais à un peu plus… Mes standards doivent commencer à être trop hauts !
J’ai joué à :
Cartaventura : Oklahoma - J’ai acheté ce petit jeu pour le club du lycée, d’abord parce que je percevais qu’il pouvait être une bonne porte d’entrée vers le jeu de rôle et ensuite parce que son format m’intriguait, moi qui travaille doucement à un jeu entièrement basé sur des cartes. Cartaventura, c’est une sorte de croisement entre le 7e Continent en version légère (pour les mécaniques) et les livres dont vous êtes le héros (pour le récit), le tout basé sur des personnages réels (ici Bass Reeves). Le jeu est vraiment sympa, se joue en moins d’une heure et propose quelques petites mécaniques intéressantes ; c’est néanmoins un jeu très bavard donc quand t’as un prof qui fait le narrateur ça va, mais le laisser entre les mains des élèves me paraît ardu. Cela étant dit, le jeu propose plusieurs fins et des versions alternatives de certains chemins narratifs, il va falloir le réexplorer pour en savoir plus…
J’ai écouté :
Phoenix, The Bankrupt! Diaries - Je ne suis pas particulièrement fan de Phoenix mais lorsque j’ai découvert leur album Bankrupt! c’est surtout ce 2e disque composé de 71 pistes (!) qui m’a séduit. Il illustre assez bien un genre dont j’ai déjà un peu parlé avec des expérimentations de Buddy Peace ou d’Oskar Hallbert, quelque chose qu’on pourrait appeler la « micro-chanson » : des mélodies de moins d’une minute qui développent un truc bricolé avant de le lâcher en plein vol, souvent avant l’éclosion. Ici, ce sont les démos abruptes et presque concrètes d’un album en devenir, mais tous les cas il y a quelque chose de fascinant à voir comment quelques notes, une poignée de secondes peuvent déjà développer une boucle, une ambiance, un univers, et comment de telles micro-chansons se répondent et se combinent entre elles pour créer quelque chose de plus mystérieux qu’un vrai album…
Syd Matters, La Question Humaine - J’aime aussi beaucoup les bandes originales de films, même de films que je n’ai pas vu, mais ce n’est pas (que) pour ça que j’aime cet album de Syd Matters : c’est aussi parce qu’on est à nouveau dans le cas d’un proto-album, avec un thème qui reprend/anticipe/déforme une chanson du mirifique album Ghost Days (bon en vrai tous les albums de Syd Matters sont les meilleurs), comme si un album entier était sorti de la cuisse d’une seule chanson. Le reste de l’album, c’est une série de couloirs obscurs, de noyades dans des baignoires et de bad trips un dimanche soir, bref quelque chose de beau et déprimant, comme souvent avec Jonathan Morali.
The John Venture - Décidément beaucoup de musique formidable dans mes oreilles cette semaine puisque j’ai également écouté un des sommets de ma discothèque : la rencontre entre Angil, dont je t’ai déjà beaucoup parlé, et B R OAD WAY, groupe de pop atmosphérique qui n’avait alors signé que l’extraordinaire 06:06 am dont il faudra que je te parle un jour. The John Venture, c’est donc une rencontre au sommet, avec des mélodies faites de boucles plus ou moins embrumées, parfois agitées, parfois en volutes, et des textes déconstruisant la langue anglaise d’une façon vraiment unique, entre jeux de mots et contraintes oulipiennes. Un disque pop sorti d’une autre planète, celle des musiques exigeantes qui se laissent pénétrer par couches sans jamais qu’on atteigne toute leur profondeur.
Et toi :
Mass :
J'ai vu TROLL sur Netflix, un film d'action et de fantastique Norvégien. On va suivre une scientifique ( paléontologue ) qui est appelée par le gouvernement norvégien pour résoudre une crise. Je pense qu'on là tout les tropes des 30 dernières années dans ce type de films qui sont rassemblés dans celui-ci. D'un point de vue forme c'est sans grand inventivité, mais c'est bien fait, les effets spéciaux sont plutôt bons. L'histoire est quand même too much, avec la mère qui est morte dans la jeunesse de l'héroïne et le père qui lui a donné une éducation en rapport avec le problème qui va arriver ; le militaire et la militaire sympa, le 1er c'est le beau gosse qui fait le beau et la deuxième c'est la super hackeuse qui va hacker des avions de chasse (oui rien que cela) ; l'assistant de la 1er ministre un peu décalé et super sympa (n'est pas Jeff Goldblum qui veut) ; et bien sur le méchant technocrate qui fait chier tout le monde. On est là sur les traditions de la Norvège sur le côté fantastique, il faudra au milieu du film quand le groupe se retrouve à Oslo vraiment ouvrir à fond ses chakra de crédulité. C'est quand même une série B, et on peut s'en passer.
Julien :
Récemment, les Éditions L'Atalante ont fait reparaître sous une nouvelle couverture préraphaélite cette somme du roman arthurien : LE ROMAN DU ROI ARTHUR, de Thomas Malory, dans la traduction de Pierre Goubert.
Surtout connu pour l'épisode Le Morte d'Artus, Malory est le continuateur anglais des grands auteurs français comme Chrestien de Troyes ou Robert de Boron. Ou, pour être plus juste, Malory est surtout un compilateur, qui traduit et réécrit à sa sauce quelques siècles après les français plus qu'il n'invente. Dans les pays anglo-saxons, c'est la référence sur la légende arthurienne ; c'est de ce texte que sont partis aussi bien les Monty Python pour leur Sacré Graal, que John Boorman pour son Excalibur.
On y retrouve donc les épisodes les plus connus de la légende : l'épée dans la pierre, les russes de Merlin, les aventures de Lancelot (pas toujours très courtoises), la quête du Saint Graal et, finalement, la division entre les chevaliers et la mort d'Arthur, le tout sur plus de mille pages bien denses.
Il y a beaucoup de belles choses à découvrir ou redécouvrir dans ce texte protéiforme. La naissance de la table ronde, le couronnement d'Arthur comme empereur après qu'il ait envahi Rome, et la relation complexe de Lancelot à l'honneur, alors que le chevalier accumule de plus en plus les erreurs et les mensonges, se fiant plus à la force de son bras qu'à son jugement.
Certains passages peuvent paraître un peu long : le milieu du livre notamment, consacré à rattacher la légende de Tristan et Yseut au canon arthurien est une longue suite de tournois où l'on brise moulures lances, ou l'on s'inflige pendant des heures moulantes blessures graves et où l'on puisse le sang par toutes les fentes de l'armure sans jamais vraiment mourir. Néanmoins, dans ce long compte rendu des matchs de football de l'époque (épique coupe du monde de chevalerie, Caamelot, 450), on découvre des chevaliers plus méconnus, dont la psychologie évolue à petites touches, comme le magnifique seigneur Palamède, Sarrazin de naissance et tout à tour meilleur ami et némésis de Tristan, ou le chevalier Dinadan, à la langue bien pendue, jamais le dernier à se moquer amicalement de ses camarades (deux personnages que l'on pourra trouver aussi dans le Tristan en prose dont Anacharsis Éditions a déjà publié 4 livraisons de la version intégrale).
Presque immédiatement après l'histoire de Tristan, pas tout à fait achevée, enchaîne la quête du Graal, et le livre change de ton. Il n'est plus question ici de chevalerie temporelle, mais spirituelle, et si les joutes sont toujours assez nombreuses, elles laissent la place surtout à des visions, énigmes mystiques souvent d'une grande inventivité esthétique.
Le Livre consacré à Perceval notamment est l'un des plus beaux de l'ouvrage. Dupé par un démon cheval, le chevalier se retrouve en bord de mer et décide que, puisque tout se passe de travers depuis qu'il a entrepris la quête, il va s'arrêter pour pioncer, éventuellement jusqu'à ce que mort s'ensuive. C'est dans ses rêves que se poursuit la quête, rêves envahis de visions qui m'ont procuré le même plaisir que la fameuse TENTATION DE SAINT ANTOINE, de Flaubert, de par leur richesse et leur caractère baroque.
La quête du Graal s'avère ici non pas une salvation, mais une histoire d'orgueil, et s'il est nécessaire d'y mettre fin, c'est surtout pour éviter que l'hécatombe de chevaliers s'arrête, alors que tous s'épuisent vainement sur les routes. Ici, c'est Galaade, fils de Lancelot, qui y mettra un terme à cette énième preuve d'orgueil chevaleresque (qui a dit masculinité toxique ?).
La fin du livre se fait plus lyrique, alors que l'on aborde les histoires les plus connues liant Lancelot et Guenièvre, un amour qui prépare la catastrophe finale. Le roi Arthur, réduit à une figure dans le fond du récit pendant 500 ou 600 pages, reprend de l'ampleur. On y découvre un homme soucieux d'être juste, mais empêtré sans ses obligations, qui fait la guerre sans la vouloir, pris dans les intrigues de chevaliers qui, une fois leur quête spirituelle terminée, sont redevenus des pécheurs bouffis d'orgueil, Gauvain et ses frères en premier lieu.
On trouve d'ailleurs, dans les premières pages du livre dix-neuvième, quelques magnifiques pages sur l'amour, qui ouvrent à des visions champêtres des chevaliers de la reine dans la campagne. Pas étonnant que le livre ait inspiré les Préraphaélites, certains de leurs motifs de prédilection sont là en germe.
Et après avoir passé presque mille page avec les personnages, il faut les quitter lors d'un final déchirant où la guerre est monstrueuse, mais le pardon éclatant. Quatre ou cinq derniers livres sont très « hollywoodiens », avec moultes action d'éclat. Mais on sent aussi que Malory, chevalier lui-même, s'assouplit dans ses jugements. Si la quête du graal est bien évidemment une manière de vanter les vertus chrétiennes, la fin d'Arthur est belle parce qu'elle parle de comment les hommes se déchirent. Des personnalités bien plus complexe quele carton pâte des séries et films qui usent et abusent de ces références. Lancelot notamment, alors que je ne l'aimais pas beaucoup, s'avère un incroyable personnage, rendu dans toute sa complexité.
Et alors que le livre faisait la part belle aux combats, tout s'achève dans un dégoût de la guerre et de la politique (l'auteur en profite pour tacler les anglais et leur rapport à la politique) où l'on sent la fatigue de Malory, qui avait à cette époque parcouru un trop grand nombre de champs de bataille lui-même.
Enfin, pour conclure, un mot bref sur le travail éditorial impeccable qui a été effectué par la maison d'édition : maquette superbe qui rend ce gros livre très lisible, traduction impeccable, zéro coquilles et quelques outils très pratiques, comme un glossaire des chevaliers (j'aurais aimé un index aussi, mais bon, je suis chiant), des arbres généalogiques, une préface par l'historienne Claude Gauvard et un avant propos du traducteur qui explique ses choix (j'aime de plus en plus ce genre de texte).
Bref, faites vous plaisir à Noël, vous pouvez vous lancer dans cette somme les yeux fermés !
Dan :
J'ai vu la fin de Russian Doll. Une série avec une protagoniste fêtarde, dont la vie chaotique prend fin le jour de ses 30 ans… avant de redémarrer le jour de ses 30 ans. Oui, c'est une histoire de boucle temporelle ! Le second personnage principal est tout son contraire : ordonné, soigneux… et ça fait le charme de leur « duo de malchance ». La saison 2 qui vient de sortir est toute aussi intéressante, avec un fil rouge sur son histoire familiale, il y a même un métro qui y joue un rôle important (mais je n'en dirai pas plus !).
Attention, même si ça reste une série grand public et comique, elle mérite un avertissement de contenu : accidents, morts, suicide, mention de « folie », sang, sexe, drogue, tabac, alcool…
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Des bises
et peut-être à dimanche prochain !