Du dimanche 23 octobre au dimanche 30,
J’ai lu :
The Queue - Le concept de la File d’Attente (avec des majuscules) pour aller voir le corps d’Elizabeth II était tellement absurde, et tellement britannique, qu’il était presque inévitable que quelqu’un en fasse un jeu de rôle… et donc, voilà : sauf que The Queue va plus loin et permet de caler le concept d’une file d’attente interminable n’importe où, et nous laisse assez d’agentivité pour en faire quelque chose d’aussi absurde, intime ou incroyable que voulu. Une idée stupide menant à quelque chose de très convenable en termes de game design ? Voilà mon genre de came !
Speedrune - Je n’ai jamais lu ni joué au vénérable Runequest, mais tu comprendras que passer à côté d’un tel jeu de mot de qualité m’était physiquement impossible ! Et puis c’était l’occasion de lire un type de jeux que j’aime beaucoup : la version simplifiée d’un autre jeu. En l’occurrence, un jeu de l’âge de bronze avec des règles plutôt simples (qui se calculent avec des pourcentages, personne n’est parfait) basées bien évidemment sur un système de runes, et surtout un découpage très clair du jeu en 6 sessions correspondant chacune à une saison de l’univers de jeu, et dessinant un arc narratif allant du calme au final épique. C’est surtout ce dernier aspect que j’apprécie, qui donne une direction claire à Speedrune et dont bien d’autres jeux pourraient s’inspirer !
The Illuminatus! Trilogy: The Eye in the Pyramid - Je triche un peu en te parlant de ce bouquin qui, comme son titre l’indique, est une trilogie réunie sous une même couverture ; une trilogie formée de 5 livres, les deux premiers constituant le premier tome. Ça va, tu suis ? Si oui, tu es sans doute mûr·e pour te lancer dans ce récit qui saute d’un personnage et d’une époque à l’autre sans prévenir ou presque, d’un trip sous acide à l’assassinat de JFK en passant par une petite exploration de l’Atlantide, une biographie revisitée de John Dillinger ou une manifestation hippie qui tourne mal. Le tout, sur fond d’intrigue complotiste qui part du principe que les Illuminati sont derrière tout et contrôlent tout depuis des siècles. Ou peut-être qu’ils ne sont que 5 et maîtres de la poudre aux yeux. À moins qu’il ne s’agisse d’extraterrestres, bien sûr… Bref, tu l’auras compris, c’est un beau bazar que ce roman, très ancré dans une contre-culture poussiéreuse (une pensée pour les personnages féminins qui sont au nombre de 5 et ne sont là que pour servir d’objets sexuels) mais plutôt plaisant une fois qu’on a accepté de faire le voyage sans ceinture.
Super Cool Monster Hunting Club - Le jeu du mois de Grant Howitt est une sacrée réussite : un jeu d’Halloween de plus, oui, avec des monstres et des nenfants qui les combattent… mais aussi des idées mécaniques aussi simples qu’inspirantes, comme la nécessité pour les joueurs de prendre des objets chez eux ou là où ils jouent pour constituer l’équipement de leur personnage (« ce chapeau fera un excellent casque ! ») ou un système de duels de Pierre-Feuille-Ciseaux où l’on peut augmenter les enjeux lorsque l’on perd. C’est vraiment pour moi une sorte de best of d'Howitt : un pitch rigolo et efficace, de bonnes mécaniques, des dessins mignons.
Drained - L’auteur du très chouette Astral Tourists est de retour, cette fois avec un jeu de vampires ! Pour être honnête, c’est une drôle de bestiole : d’abord parce qu’il utilise un système assez proche de l’OSR pour émuler un genre qui, selon moi, se passerait bien de ces mécaniques pleines de chiffres, mais après tout pourquoi pas. Ensuite, et de façon plus gênante, j’ai du mal à voir quel est le ton du jeu : d’après sa page de présentation et le mini-scénario fourni avec le jeu (d’inspiration lui aussi très OSR puisqu’on a droit au plan du don… de la boîte de nuit où évoluent les PJ), cela semble être un jeu au ton léger, voire humoristique, mais rien ne l’indique dans les règles du jeu elles-mêmes. Un jeu qui a les fesses entre plusieurs chaises, donc, mais peut-être cela te plaira-t-il quand même de t’asseoir sur l’une d’entre elles…
Retirement Dogs - On ne parle pas assez de Perdus sous la pluie de Vivien Féasson, alors je profite de ma lecture de Retirement Dogs pour parler de Perdus sous la pluie de Vivien Féason, excellent petit jeu d’angoisse avec une mécanique d’attrition très maligne et sans doute un peu en avance par rapport aux jeux de rôles indés sortant aujourd’hui ! On ne parle pas non plus assez du fait que cette mécanique est une parfaite source de hacks ; j’ai en souvenir une excellente partie de « Perdus sous la surface », sorte de mélange de PSLP avec La Horde du contrevent, et Retirement Dogs est un autre exemple de l’application de ce concept dans un autre contexte. On joue ici des femmes âgées qui se rappellent leur dernier braquage de banque ensemble et ressassent, une fois de plus, le ressentiment qu’elles ont les unes et les autres sur ce dernier coup qui a mal tourné… Le concept est franchement chouette et je ne sais pas si ça tourne mécaniquement (l’application du système me paraît, à la lecture, un peu déséquilibrée, et je ne suis pas sûr qu’une double réserve de jetons soit pratique à manier) mais ce n’est pas bien grave, ça me donne une occasion de parler de Perdus sous la pluie de Vivien Féasson.
J’ai vu :
Six Feet Under saison 1 - Pour des raisons diverses, nous avons décidé de nous relancer dans Six Feet Under, série que je n’avais pas revue depuis au moins quinze ans et que Camille ne connaissait que de réputation. C’est pour moi un vrai plaisir de retrouver cette famille de dysfonctionnels et les personnes non moins tordues qui gravitent autour : il y a, évidemment, beaucoup d’exagération dramatique dans tout ça mais aussi une vraie authenticité dans la façon dont ces personnages ont des vies imparfaites, dont ils tentent de tirer le meilleur. C’est aussi et toujours une réflexion intéressante sur nos attitudes diverses face à la mort, avec un message central de célébration de la vie, carrément explicite à la fin de cette première saison. Je n’ai presque aucun souvenir des saisons suivantes (mis à part deux ou trois intrigues plus que mémorables), aussi ai-je hâte de les (re)découvrir !
24:37 / L’Exilé du temps - Par coïncidence, ou thématique, nous voici à voir deux documentaires cette semaine qui parlent de préparation à un voyage, ou d’isolation du monde, ou d’autres choses encore… 24:37, c’est le genre de court-métrage documentaire qui semble tout à fait simple, presque décevant, pendant les 9/10e de son visionnage, jusqu’à ce que la dernière minute vienne déstabiliser quelque peu le socle ; L’Exilé du temps, c’est une vision presque métaphysique de l’étrange expérience de Michel Siffre, qui décida en 1962 de s’isoler deux mois sous la terre pour voir comment ça affectait sa notion de la temporalité (je te divulgâche pas grand chose en te révélant que ben oui, ça l’affecte). En plein milieu d’une semaine de vacances, voici donc deux voyages intérieurs, bien plus intéressants pour moi que nombre d’autres panoramas exotiques…
Picassos Äventyr - Il n’y a pas de mauvaise façon d’aborder la biographie d’un peintre connu, surtout cet être humain exécrable qu’était Picasso ; il y a, en revanche, des façons plutôt originales de le faire. Par exemple en confiant la tâche à un duo suédois à la fin des années 1970, qui ne connaissent presque rien à la carrière du peintre ou, en tout cas, n’en ont plus grand chose à faire au bout d’une vingtaine de minutes. Le propos du film est au fond très vite clair : une vision surréaliste et totalement absurde d’une moitié du vingtième siècle, avec tant de scènes et de situations étranges que je ne saurais les compter. Un duel de peinture entre Churchill et Hitler ? Y a. Des scènes aux dialogues volontairement incompréhensibles, dans lesquelles les personnages se disent « Sacré cœur » pour se quitter ? Oui, aussi. Un sketch presque interminable autour d’un docteur aveugle et sourd ? C’est dedans… Je note quand même que le film, pour toute grosse rigolade qu’il est, n’en oublie pas d’être sentimental par moments et peint finalement un portrait plutôt attachant de Picasso, comme à peu près toute œuvre qui en fait la biographie. Au moins, celle-là explique comment il est devenu chauve suite à une mauvaise application de brillantine.
We Own This City - Une mini-série de David Simon qui se passe à Baltimore et parle de la police ? Non, ce n’est pas une suite à The Wire, même pas spirituellement : à la place, c’est une réflexion multi-facettes sur l’état de la police dans une ville américaine gangrénée par le crime et l’incompétence de celles et ceux qui sont censés l’arrêter. Au lieu de se focaliser sur la violence policière, la série fait le choix de s’intéresser majoritairement aux problèmes de corruption qui amènent à une institution dysfonctionnelle (à moins que ce ne soit l’inverse), avec un brin de dramatisation et des intrigues sur plusieurs époques pour dynamiser un peu le tout. Ça fonctionne : comme souvent avec Simon, aucun personnage n’est unidimensionnel, aucune situation n’est simple à démêler. Au final, c’est surtout un témoignage du beau merdier qu’est devenue la justice à Baltimore ces derniers temps, une photographie qu’on pourrait appliquer à bien d’autres villes, et d’autres pays.
Opération Lune - Je connaissais depuis longtemps la théorie complotiste selon laquelle Stanley Kubrick aurait filmé en studio un faux alunissage pour faire croire au monde entier que les États-Unis avaient réussi cette prouesse en 1969 ; j’ignorais en revanche que la popularité de cette théorie était sans doute due à ce documentaire français, diffusé un 1er avril 2004 sur Arte, et se servant avec expertise d’un mélange de vrai et de faux pour faire croire que le faux était vrai. Même en regardant la chose d’un œil avisé, on se prend parfois au jeu du doute et l’on comprend comment, presque 20 ans plus tard, alors que la technologie de la duplicité a évolué, de telles énormités peuvent devenir acceptables. Et puis bon, c’est aussi un fauxcumentaire avec un jeu de mots vraiment très mauvais (et donc excellent) caché dans les sous-titres, je ne peux donc qu’applaudir.
Doctor Who, Power of the Doctor - Dernier épisode de l’ère Chibnall, dernier épisode avec Jodie Whittaker dans les fringues du Docteur… Je me souvenais encore de l’atroce épisode précédent et avais très peur pour cette excursion très spéciale, mais finalement la série ne s’en sort pas trop mal. Oh, comme d’habitude depuis quelques années, l’intrigue enchaîne les moments plein de poudre aux yeux sans rien expliquer ni jamais ralentir lorsqu’il le faudrait, mais tout cela n’est finalement qu’une excuse pour une tonne de caméos nostalgiques et une performance merveilleusement archétypale de Sacha Dhawan. La dernière fois, j’avais dit que si ça continuait comme ça, j’allais arrêter de regarder une de mes séries de cœur ; mais la suite (dans plus d’un an !) est pleine de promesses, et cet épisode finit sur l’un des twists les plus satisfaisants de Doctor Who depuis au moins 10 ans, je serai donc là en novembre 2023.
J’ai joué à :
The Legend of Zelda: Skyward Sword - Je poursuis mon exploration des Zelda sur Switch en attendant le prochain, avec ce Skyward Sword auquel je n’avais jamais joué mais sur lequel j’avais lu bien des choses peu flatteuses. Et, d’un certain côté, j’ai envie de leur donner raison : le jeu s’ouvre avec un tutoriel proprement interminable et entrecoupé de cinématiques encore plus interminables, avant de nous balancer dans un ciel tout vide. Au sein de ce ciel tout vide, on va aller d’un point A à un point B, puis revenir au point A, puis finalement amener un objet au point B, mais attends y a le même boss à vaincre pour la 3e fois au point A… Bref, c’est un jeu avec beaucoup de répétitions et d’allers-retours vraiment peu engageants, parfois paradoxalement conjugué à des indices vraiment pas clair sur là où l’on doit ensuite se rendre. Un jeu très frustrant, donc, mais qui par ailleurs propose des donjons vraiment très bien pensés (sans doute dans les meilleurs de la série) et un système de combat que je sais décrié mais que j’ai pour ma part plutôt apprécié. C’était donc une expérience en demi-teinte, qui ne m’a clairement pas envie de faire autre chose que la quête principale du jeu… Et maintenant, place à Breath of the Wild, autant te dire que je risque de ne pas t’en parler avant 2023.
J’ai écouté :
Oskar Hallbert, 1123581321345589 - Il y a deux faces à cet album du génialement tranquille Oskar Hallbert, auteur de magnifiques musiques fragiles autour des années 2010 et très discret depuis. La première face, c’est un album concept autour de la suite de Fibonacci : 89 pistes, où ne sont dépliées en mélodies que celles qui correspondent aux nombres premiers (1, 2, 3, 5, 8, 13 et ainsi du suite), le reste se composant de fragments de sons captés ici et là, des bribes de conversation en mosaïque. La deuxième face, enroulée autour de la première, c’est une musique semblant improvisée, ne tenant qu’à un fil, enregistrée comme sur des bandes poussiéreuses : des petits airs de piano, de guitare et de trompette qui dessinent une matinée à l’aube, une promenade dans un parc en automne, un sourire les mains dans les poches. Quelque chose de précieux et d’éphémère.
Et toi :
Jessica : J'ai vu les deux saisons de Ted Lasso, une série comique d'Apple qui a raflé pas mal de prix aux derniers Emmy Awards et dont le producteur, Bill Lawrence, était celui de Scrubs. L'histoire, c'est celle d'un coach de football américain qui se retrouve à devoir entraîner une équipe de football (classique, cette fois), dans la banlieue de Londres, à Richmond. Il ne s'agit pas d'une grande équipe et la chance n'est pas de son côté, d'autant qu'il n'y connait rien et qu'on lui fait bien sentir qu'il n'a rien à faire sur place... mais Ted Lasso, en bon Américain du Mid-West, fait preuve d'un optimisme à toute épreuve. Ce sont des épisodes d'une trentaine de minutes, volontairement du côté de la rom-com, et ça faisait longtemps qu'une série ne m'avait pas autant donné le sourire. La première saison se concentre surtout sur le personnage principal, et la deuxième cherche à développer plus l'ensemble des personnages, en prenant toujours comme parti pris d'étudier les relations humaines, et, à part deux ou trois épisodes, c'est vraiment très réussi. Et c'est un bon prétexte pour regarder du foot sans financer la FIFA, pour celleux qui, comme moi, aiment bien ça !
Mass : J'ai vu Le troisième homme de Carol Reed, un réalisateur anglais ; film de 1949 qui a eu le grand prix du festival de Cannes de la même année (l'ancêtre de la Palme d’Or). On va suivre Holly Martins, un écrivain américain de romans de gares western, sans le sou, qui a été invité par son ami Harry Lime à Vienne en lui disant qu'il y avait moyen de gagner de l'argent. Mais quand celui-ci arrive, son ami vient de mourir dans un accident de voiture. Holly cherchera à découvrir la vérité sur la mort de son ami. Sur la forme c'est un film noir de son époque, avec un jeu sur la lumière vraiment très bon ; on prenait son temps aussi vu que l'important c'était l'image. Vraiment des séquences très intéressantes du point de vue du montage, une poursuite dans des égouts qui est vraiment très bien faite. Il a eu l'oscar de la meilleur photographie en 1951. L'histoire dans la forme, on est dans les tropes de la série noire, avec des méchants qui sont méchants et des gentils à la bonne tête de gentils, une jeune femme qui aura le rôle de l'âme en peine qui ne reniera jamais son amour, même après trahison. C'est la première fois que je voyais jouer Orson Welles et cela fait son petit effet, mais j'ai aussi adoré Trevor Howard dans le rôle de Callaway, le militaire anglais qui joue le rôle du flic de service. Je suis sûr que je l'ai déjà vu dans des films de guerre où il joue des gradés anglais. Pour l'actrice, Alida Valli, j'avoue que son rôle tout en froideur ne m'a pas enthousiasmé. J'ai vraiment bien aimé, tant sur la forme que sur le fond, même si on voit arriver les twists et les retournements de situation. J'ai trouvé cela rafraîchissant : je connais très peu au final le cinéma de cette époque et je pense que j'ai justement l'expérience de pouvoir apprécier vraiment plus ce style de cinéma. Je vous conseille de le voir, juste pour la photo : comment rendre une ambiance juste avec des projecteurs. Certaines scènes sont vraiment très bien faites et rendent incroyablement bien.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Des bises
et peut-être à dimanche prochain !