Du dimanche 4 septembre au dimanche 11,
J’ai lu :
Piranèse - C’est chez l’ami Ben que j’ai découvert que Susannah Clarke, autrice du roman Jonathan Strange & Mr. Norrell que j’avais dévoré en mon jeune temps, avait écrit un nouveau bouquin et que celui-ci parlait d’un protagoniste perdu dans une sorte de musée infini, enfilade de salles à colonnades et statues… La description de cet étrange univers occupe une bonne partie du récit et m’a plongé (sans mauvais jeu de mot) dans la plus grande félicité, jusqu’à ce que le ton change dans la deuxième partie du roman qui s’oriente plus vers une enquête d’un type un peu particulier. De fait, c’est le genre de livres qui laissent ouvertes plus de pistes qu’il n’en ferme, ce qui n’est généralement pas un problème mais m’a laissé ici sur un léger goût de trop peu… D’un autre côté, qu’y avait-il de plus à dire sur la solitude de l’explorateur de labyrinthes ?
Un Dernier tour de piste - Je te l’ai dit la semaine dernière, je ne suis pas particulièrement amateur de jeux de courses, et pourtant… Et pourtant ce jeu de Gulix, sur lequel j’avais déjà jeté un œil, ne pouvait pas manquer de m’attirer avec son look simple et efficace, comme les autres productions de l’ami G., et sa manière d’explorer la mécanique des jeux “Descended From the Queen”, à présent que la hype autour de For the Queen est un peu retombée. La force d’UDTDP, pour moi, ce sont les différents cadres proposés par Gulix, qui permettent de s’imaginer aussi bien une course de F1 que de caisses à savon par des gamin·e·s de 10 ans, avec juste un soupçon de compétition pour les amateurs. Et puis c’est aussi un admirable exemple de ce que l’on peut faire lorsqu’on produit une version augmentée d’un jeu, une idée qui me titille de plus en plus…
To (Scratched Out) For Everything - Je découvre avec ce jeu qu’Adam Vass est non seulement un auteur de jeux de rôles mais également le bassiste de l’excellent groupe La Dispute, dont la musique est tellement post-tout que je t’encourage à aller écouter leurs disques, ça ira plus vite. Mais TXFE n’est pas un jeu particulièrement musical ; c’est plutôt un truc expérimental dans lequel les joueurs incarnent collectivement le même protagoniste qui va se heurter (littéralement) à un mur plus ou moins abstrait l’empêchant d’avancer, et concrétisé dans le jeu par une pile de dés. Si j’ajoute que le jeu est également pensé pour être nourri par les fragments de texte que les joueurs amènent autour de la table, tu auras compris qu’on est ici en présence de quelque chose d’aussi tordu et étrange que la musique de La Dispute, ceci expliquant bien évidemment cela.
Backrooms & Bathrooms - OK, le principe de ce jeu solo est totalement débile, puisqu’on y explore des bureaux déserts et étranges à la recherche de toilettes où l’on pourra enfin vider sa vessie. Mais, comme cela arrive parfois dans les jeux à la fois rigolos et bien fichus, B&B présente quand même des mécaniques d’explorations vraiment intéressantes, une sorte de croisement entre un solitaire à l’aveugle et l’exploration d’un labyrinthe, le tout en se payant le luxe de proposer 4 fins différentes. Et moi, j’aime bien quand on s’attelle sérieusement à des choses stupides, donc j’applaudis !
SR-A - Il y a deux semaines, j’ai participé à la fabuleuse Queervention, la « convention sans les cons » comme dirait l’autre qui se tient annuellement à Rennes. J’y ai rencontré par hasard l’auteur de ce SR-A qui débarque justement sur itch, une sorte de Delta Green à la française, comme cela avait déjà été tenté par le passé, mais avec des soupçons de Brindlewood Bay et de Cthulhu Dark juste là où il faut pour la mécanique. Côté univers de jeu, SR-A ne cherche pas nécessairement à être très original, même si sa vérité derrière les horreurs cosmiques peuplant notre monde et ses explications sur la magie ambiante sont intéressantes ; mais ce n’est pas un reproche, c’est même parfois très bien d’être en terrain familier. Côté règles, les choses sont encore un peu floues puisque ce n’est pas ici la version définitive du jeu (des scénarios complets sont cependant déjà disponibles) mais il y a plein de bonnes idées, et tout ce qui concerne la partie enquête me paraît clairement supérieur au système de BB, venant en quelque sorte patcher le jeu de Jason Cordova pile là où je trouvais qu’il péchait un peu. Bref, moi qui ai longtemps été amoureux de Delta Green, je vais suivre le développement de SR-A avec attention !
J’ai vu :
Borgen saison 4 - Voilà bien une suite que l’on n’attendait pas, presque 10 ans après la saison précédente… J’avais assez peu de souvenirs des 3 premières saisons de Borgen, sinon qu’elles étaient de la très bonne politique-fiction sur les déboires et gloires d’une première ministre et son entourage entre ses problèmes personnels et professionnels. Cette ultime saison fait une nouvelle boucle sur les mêmes thèmes, mettant des trajectoires en parallèle pour mieux faire s’entrechoquer idéalisme et soif de pouvoir, les deux piliers de la série, le tout face à des enjeux bien actuels puisque le point de départ de ce long épilogue est la découverte de pétrole au Groenland. Ça va à la fois lentement et vite, parfois (particulièrement en fin de saison) trop vite, on a souvent du mal à se rappeler où en étaient ces personnages la dernière fois qu’on les a vus, mais ça reste un plaisir de les voir faire un dernier tour de piste.
Better Call Saul saison 6 - BCS a toujours été plusieurs séries en même temps : un prequel à Breaking Bad, bien sûr, censé expliquer comment le gentil Jimmy McGill est devenu l’avocat insupportable Saul Goodman, mais aussi comment les guerres entre cartels ont pourri le terrain d’Albuquerque bien avant que Walter White ne débarque. La première trajectoire m’a toujours intéressé plus que la seconde, et ça reste vrai dans cette ultime saison qui confirme que BCS est bien plus qu’un prequel : c’est une histoire qui se tient toute seule, à mon sens bien plus haut que Breaking Bad, parce que ses héros sont comme toujours faillibles et condamnés à la chute, mais demeurent sympathiques jusqu’au bout. Cette 6e saison est un chef d’œuvre, qui se paye le luxe d’une conclusion en 3 épisodes venant connecter toutes les pièces du double puzzle ensemble, avec un souci du détail hallucinant, une photographie incroyable et des jeux d’acteurs à tomber par terre. Je me souviens, après la fin de Breaking Bad, avoir été circonspect face à la possibilité d’un spin-off ; à présent, je ne peux que constater que la série d’origine était bien en-deçà de ce que Better Call Saul est devenu.
What We Do In The Shadows saison 4 - Ce fut étrange pour moi de regarder WWDITS en été pour cette 4e saison, tellement habitué que j’étais à m’en enfiler les épisodes après une semaine de boulot à l’automne l’année dernière ; ceci explique peut-être pourquoi j’ai trouvé cette saison un peu étrange, un retour au statu quo sitcomesque après les énormes bouleversements engagés dans la saison précédente. Ça reste une série extrêmement drôle, avec, dans ses meilleurs épisodes, des gags toutes les minutes et des personnages toujours aussi foutrement catastrophiques et attachants, mais j’ai le sentiment qu’à quelques exceptions près, WWDITS a cette année perdu un peu de l’audace dont elle avait fait preuve jusqu’ici. On verra ce qu’il en est l’année prochaine, selon la période de l’année à laquelle sort la 5e saison…
J’ai joué à :
Cyber Protocol - Ça faisait quelques mois que je faisais une partie de Cyber Protocol par-ci par-là, le plus souvent pour m’occuper les mains en faisant autre chose. C’est le genre de jeux pas plus bons ou mauvais qu’un autre : dans des décors suintant le néon et le chrome, au son de musiques pulsantes, on y balade notre curseur du début à la fin de petits labyrinthes bourrés de pièges requérant le plus souvent une coordination main/œil et des réflexes à toute épreuve, le tout des dizaines de fois d’affilée… Un bon petit divertissement donc, jusqu’au dernier niveau qui soudain retire la mécanique de checkpoints qui venait soutenir ma progression jusque là. Ce n’est pas le seul jeu qui utilise cette technique (pas mal de jeux Mario ou apparentés, par exemple, proposent souvent un dernier niveau ultra-difficile à faire d’une seule traite) mais ça me paraît à chaque fois une astuce un peu naze pour prolonger la sauce. Bref, presque comme avec un syndrome du dernier boss, je ne finirai pas Cyber Protocol, même s’il ne me restait qu’un demi-niveau à enquiller !
J’ai écouté :
Infinite Bisous, Any-Day-Now - Après plus de quatre-vingt compotes, je ne me souviens plus forcément de tout ce dont je t’ai parlé mais je crois déjà t’avoir touché un mot du label virtuel Morsel Records, qui a d’abord connu la lumière avec des disques de musique de skate (tu mets ce que tu veux derrière cette appellation) et s’est étiré depuis en sortant de petites choses ici et là, toujours gratuites, toujours très douces. Derrière le label il y a Rory McCarthy, qu’on a croisé notamment chez Connan Mockasin, et qui se cache derrière différents noms de groupes du label, dont cet Infinite Bisous qui semble être son chapeau principal. C’est difficile de décrire une telle musique, à la fois molle et douce, des petites chansons de bain moussant et de câlins tranquilles, avec une basse nous entraînant dans les profondeurs de la couette, une voix tranquillement séductrice et des notes de guitare venant nous chatouiller les pieds. Bref, Infinite Bisous porte bien son nom, et moi je me laisse tranquillement porter par ses mélodies.
Et toi :
Milouch : J’ai lu Stone Butch Blues de Leslie Feinberg, récit plus ou moins autobiographique de Leslie Feinberg sur sa vie en tant que lesbienne Butch à Buffalo puis à New York dans les années 50. C'est clairement une bombe tant sur ce que ça raconte que sur comment c’est dit. Le texte est sans concession, direct comme la vie qu'a menée son autrice. On y parle de la dureté d'être butch à cette époque, des descentes de polices, des amies tabassées et de celles emmenées au poste dont on est sans nouvelle. On sent les lourds regards des mecs avec qui on travaille sur la chaine d'usine et la barrière qu'érigent les gens pour vous montrer que vous n'êtes pas comme eux. Et en même temps, au milieu de tout ce froid, y a la solidarité lesbienne, la solidarité ouvrière qui sont de magnifiques bouffées de chaleur. C'est plein de réflexion sur le genre, le lesbianisme, sur la prise d'hormone que va faire la narratrice, sur la vie ouvrière en tant que butch aussi. J'ai du mal à tout décrire tellement c'est dense. Pour moi c'est clairement le meilleur livre que j'ai lu cette année. Et je sens que je vais le relire de nombreuses fois pour me reprendre cette brique dans la gueule qui raconte des choses si dures mais qui en même temps est si belle.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Des bises
et peut-être à dimanche prochain !