Du dimanche 3 décembre au dimanche 10,
J’ai lu :
Carrie - Je ne sais pas si tu es au courant, mais Côme Martin est un peu stupide. Par exemple, il voit l’amie Eugénie parler sur Mastodon de plusieurs bouquins de Stephen King et il se dit « eh tiens, et si je lisais toute l’œuvre de Stephen King dans l’ordre de parution ? ». Voilà comment je me suis retrouvé avec Carrie, premier bouquin de l’auteur (il y a quasi 50 ans déjà, mazette), roman ultra-connu et à la construction plutôt atypique : dès le début, même si les détails ne sont pas clairs, on sait que Carrie a des pouvoirs, et que ça va (très) mal finir. Le tout est dès lors une sorte de compte à rebours entrecoupé d’articles pseudo-scientifiques et aboutit à une dissection des rapports adolescents, et en particulier du mal-être féminin, qui me semble assez bien fichue à défaut d’être réaliste (je ne suis pas bien placé pour en juger). On est loin des sommets que, dans mes souvenirs, certains bouquins de King atteignent, mais c’est un sacré premier roman !
One Breath Left - Si tu n’as pas Stout Stoat Press dans tes viseurs solistes, c’est une grave erreur. Outre un jeu sous forme de carte que j’ai hâte de me procurer, SSP est aussi l’éditeur de cet excellent petit jeu de survie en milieu spatial, qui se présente sous la forme de livrets combinatoires et surtout de cartes qui constituent différents vaisseaux qu’il va falloir aller explorer : pour récupérer du loot, pour y stopper l’IA maléfique qui y règne, pour éviter de basculer dans une dimension parallèle… Les raisons (et les façons de jouer) sont variées, mais dans tous les cas il va falloir récupérer un maximum d’indices et perdre un minimum d’oxygène. Un gameplay simple qui sait se renouveler, une présentation raffinée, que demander de plus ?
You Are Here - Ben oui, j’y peux rien, je continue de lire frénétiquement les jeux qui se passent dans un centre commercial, et tu peux pas prouver que c’est juste au cas où Green Dawn Mall serait dans les inspirations… Mais ici on n’est pas dans l’absurde inquiétant, ou plutôt le sujet est traité sous l’angle du consumérisme poussé dans ses logiques les plus illogiques. You Are Here n’est pas en soi une réinvention formidable du genre et ses mécaniques propulsées par l’apocalypse n’ont rien d’original, mais ses playbooks sont un vrai bijou : entre le voyageur temporel et le magicien qui fusionne des objets entre eux, c’est là qu’on trouve à la fois l’originalité du jeu et ses mécaniques les plus intéressantes. Dommage qu’il n’y en ait pas plus partout !
Monty Python's Cocurricular Mediaeval Reenactment Programme - Quick Start - Il y a quelques temps, un jeu de rôle Monty Python fut financé et récolta plus d’un million de dollars. Évidemment, je savais en allant lire le quickstart que je trouverai ça nul, et j’ai été déçu de ne pas être déçu… C’est d’autant plus regrettable qu’on sent que les auteurs connaissent leurs Monty Python sur le bout des doigts et s’éloignent des références faciles à Sacré Graal pour poser quelques allusions bienvenues au Flying Circus (1000 fois supérieur aux films, si t’es pas d’accord tu pues des pieds). L’idée que le MJ soit un personnage en soi qui a sa propre personnalité et peut intervenir pour demander plus ou moins de farfelu, tout droit sortie de Paranoia, est aussi très bonne. Mais hélas, en dehors de ça, on est dans du JdR des plus classiques, avec des caracs, des dés à lancer, des règles pour le combat, des scénarios linéaires… Bien loin de l’esprit de non-conformisme qui agitait les Python à l’époque. Peut-être les auteurs ont-ils voulu être plus proches des Python d’aujourd’hui, réacs et vieux croulants ?
Subconscious_routine / Leftovers - Il y a un certain temps je m’étais intéressé à ce que ça donnerait d’incarner des robots en jeu de rôle, avec des programmes tordus, gris, dont ils chercheraient forcément à s’échapper… C’est peu ou prou le propos de Subconscious_routine et de sa maquette authentique mais un poil trop dense, qui force les personnages à enchaîner les itérations de leur programmation en y cherchant petit à petit les failles, jusqu’à pouvoir s’en échapper tout à fait. Un très chouette jeu qui a été récemment rebooté avec Leftovers, qui est à peu près le même jeu, présenté de façon plus aérée et avec 2-3 détails de plus !
J’ai vu :
Yannick - S’il est vrai qu’on sait rarement à quoi s’attendre avec Dupieux, une vérité est constante depuis quelques années : il y a ça et là quelques pépites (on peut espérer beaucoup de son Daaaaaali ! à venir) mais ses derniers films restent relativement mineurs, des choses vites vues (on atteint rarement les 90 minutes) et vite oubliées. Yannick rentre tout à fait dans cette case : unité de temps et de lieu, tout se passant dans une petite salle de théâtre, à peine 70 minutes de métrage, et une histoire qui tient en quelques paragraphes, reposant entièrement sur les échanges entre les acteurs. Or ces échanges, contrairement à Au Poste ! par exemple, qui jouait aussi sur le théâtral, sont un peu mous, et lorsque la conclusion arrive on a bien du mal à ressentir l’émotion qui nous est posée sur les genoux. Dommage, même si ce n’était pas un mauvais moment non plus !
Doctor Who: Wild Blue Yonder - L’épisode précédent de Doctor Who m’avait redonné foi en la série : avec “Wild Blue Yonder”, je retrouve le Doctor Who que j’aime et qui est capable de réinventer la meilleure science-fiction avec 3 bouts de ficelle. WBY se situe dans la lignée d’épisodes mythiques de la série comme “Don’t Blink” ou “Midnight” : des moyens ramenés au minimum (ici, le Docteur et Donna dans un vaisseau spatial quasi vide, et c’est tout ou presque) et un concept très fort qui prend par surprise et ne cesse d’émerveiller jusqu’à sa conclusion. Je te conseille franchement d’y jeter un œil même si tu ne connais pas Doctor Who : il te manquera 2-3 références, mais si tu es friand·e de SF, ce serait dommage de rater un tel bijou !
Black Mirror saison 6 - Après la saison 5 de Black Mirror, qui était tellement tiède qu’elle ne m’a laissé aucun souvenir, je n’attendais pas grand chose de cette saison 6, qui débarque 4 ans plus tard… C’est le meilleur moyen d’être agréablement surpris ! Enfin, pour être précis, j’ai été à moitié agréablement surpris. « À moitié », car les épisodes qui conservent le cœur du concept de la série (interroger sur des dérives technologiques) sont vraiment bien fichus, même si souvent trop long ; mais cela ne concerne que deux épisodes sur les cinq de la saison (“Joan is Awful” et “Beyond the Sea”)… Les trois autres, étrangement, s’éloignent vers des choses surnaturelles et s’ils sont globalement bien joués et divertissants, seul l’épisode 2 (“Loch Henry”) m’a réellement convaincu (sans doute parce qu’il se tient dans l’équilibre entre les deux tendances). Tenter de nouvelles choses au bout de 6 saisons, c’est sans doute censé, mais je ne suis pas sûr qu’une plongée vers un versant « surnaturel de série B » soit réellement une bonne stratégie…
The Bear saison 2 - La saison 1 de The Bear m’avait mis en face d’une drôle de série : en surface, quelque chose qui parle d’une sandwicherie avec les ambitions d’un grand restaurant ; en creux, le portrait d’individus marqué·e·s par tout un tas de névroses, qui essayaient de les faire taire pour avancer. Cette 2e saison change un peu la donne : on est dans la traditionnelle saison de transition, de façon assez littérale puisque le restaurant passe l’essentiel de la saison à être en retape, tandis que les différentes personnes qui y bossent s’éparpillent pour faire le point sur leur job et leur vie (ce qui est souvent la même chose). Ça donne des épisodes souvent plus doux que dans la saison 1, avec des personnages qui murissent, s’en sortent, se pardonnent… Mais il y a tout de même ce cœur sombre qu’est l’épisode de Noël, bourré de guest stars et deux fois plus long que la normale, qui expose de façon presque insupportable ce qu’est une famille dysfonctionnelle et comment les psychoses familiales ont leurs griffes dans presque tous les problèmes de la série. Dès lors, on aimerait que ça se finisse bien, et ça pourrait, oui, ça pourrait bien… Mais pour ça, il faudra attendre la 3e (et dernière ?) saison.
J’ai écouté :
Buck 65, Vertex - Ce petit sifflement au début de Vertex, je le porte dans mon cœur. Deuxième album de Buck 65 (si on veut…) c’est celui qui a commencé à réellement le faire connaître, et on comprend pourquoi : entre ce collage sonore qu’est “Sounds from The Back of the Bus” (qui se tranche et se rassemble au bout de 3 minutes tout en restant une seule piste : Buck rappe une minute et hop c’est fini !) et le tube absolu “The Centaur” qui tourne sur un sample de Carrie, l’album commence très, très fort. À noter d’ailleurs que ce tube sortira aussi sur 12” avec un chouette faux freestyle de 15 minutes en face B… “The Centaur”, c’est la chanson qui lance Terfry mais elle est étrange car non seulement elle parle d’être un weirdo à l’écart mais de plus, elle se base sur un sample ultra connu, ce que Terfry ne fera qu’une autre fois dans sa carrière, préférant - il le raconte dès la chanson suivante - déterrer les disques les plus obscurs possibles pour y trouver des boucles. Bref, Vertex est un disque moins froid que Language Arts ou Psoriasis : il possède un certain côté bricolé dans un garage qui lui donne une chaleur agréable, renforcée par sa manie de sauter d’une ambiance à l’autre en plein milieu des pistes (il faut dire que tout ça n’était pas autant découpé au départ). Terfry y parle un peu de sa passion pour le base-ball, de ses problèmes de sommeil, s’essaye, comme il l’a déjà fait et le fera encore, à une reprise pas forcément des plus réussies ; il peuple son album de voix fantômes et de messages sur répondeur… Bref, il réalise un album plus accessible que les précédents, bourré de talent (je ne t’ai même pas parlé de la spoken piece “Supper At Sundown”, de la complainte de “BSc.” ou de la formidable dernière boucle “Style #386”, mais on peut pas tout faire, hein) et pas trop long, même si la version d’origine de l’album, sur cassette, inclut un “Diesel Treatment” un peu différent de celui de Language Arts qui vient rallonger la sauce. En tous les cas, profite du rayon de soleil à peine obscurci qu’est Vertex, car la semaine prochaine on se replonge dans l’univers glauque des Sebutones.
Sainte Lucie, Mercie et Remercie - Je ne le savais pas quand j’ai commencé à écouter Mercie mais je connaissais déjà Sainte Lucie : elle avait, sous un autre pseudonyme, signé des reprises aérées et perchées de Jean-Luc le Ténia quelque part au fond de la Souterraine, il y a quelques années. Et là voici qui ressurgit, via un autre tunnel, pour deux livraisons de chansons pop-bricolo, des petites mélodies qui atteignent rarement les 2 minutes (à deux exceptions près), des ritournelles qui transforment le quotidien avec trois fois rien : un ou deux instruments, une mélodie qui tournicote un peu, une voix se doublant parfois dans ses propres échos… Bref, je retrouve en Sainte Lucie une digne successeuse de JLT, avec le même genre d’humour et de fragilité, le nihilisme misogyne en moins.
L’arrière-queer de Milouch :
Great Freedom - Great Freedom est certainement un des films les plus terribles mais aussi un des plus lumineux que j'ai pu voir. Le film conte la vie d'un homme gay (Hans) en prison en Allemagne de l'Ouest à cause de son homosexualité. L'histoire se déploie sur 3 timelines (avec des allers retours réguliers), des années 45 à 75. C'est un film qui nous fait toucher de près l'homophobie systémique d'un pays et ce notamment autour de l'article 175 qui jusqu'en 1994 a criminalisé les relations entre hommes en Allemagne et a mené à l’incarcération de nombreuses personnes dont Hans. Il y a quelque chose de désespéré dans ce film et ce dès les premières minutes du film où l'on voit Hans à peine sorti de prison se rendre dans les toilettes publiques (un lieu de rencontre gay) en pleine connaissance de cause et se faire arrêter et à nouveau incarcérer.... Et en même temps, au milieu de toute cette violence, une relation amoureuse se noue entre Hans et un de ses codétenus, ce qui crée des scènes touchantes, belles mais toujours terribles. Notamment la scène de leur rencontre que je vous partage parce que même si elle est dure, elle résume pour moi tout ce film : en 1945, Hans est amené en prison. Son codétenu Viktor est prêt à le balancer dehors quand il découvre sur son bras (et nous aussi) un numéro de camp de concentration. Nous comprenons alors (et c'est un fait historique) que Hans est un survivant des camps condamné par l'article 175 sous l'Allemagne nazie et continuant à purger sa peine en Allemagne occupée par les américains. Viktor propose alors à Hans de recouvrir son tatouage, scellant par l'encre le début de leur relation.
Et toi :
Cédric : Au parloir - Cédric Bergeron est un humoriste québécois de la relève au physique imposant : il est grand, baraqué, tatoué. Sur scène, il en joue et fait parfois allusion à son passé plus rock'n'roll où il serait passé par la case prison sans toucher les 20 000$. Au lieu de simplement en faire son beurre humoristique, il a décidé de lancer un podcast intitulé Au parloir dans lequel il reçoit des invités qui ont connu la prison. Et qui s'en sont sortis, puisqu'ils parlent devant le micro. Leurs parcours de vie sont variés, vous entendrez des expériences très différentes en fonction des gens rencontrés : des gens qui glissent dans le crime par ennui, des gens qui le font par facilité, des gens qui ont grandi là-dedans... Ces ex-taulards racontent tous leurs mauvais choix avec une belle honnêteté car Cédric Bergeron sait les mettre à l'aise, puisqu'il est lui-même passé par là. Il obtient des confidences vraiment pas racoleuses sur la vie de petit criminel. Ce n'est clairement pas un podcast qui fait l'apologie du crime, et l'accumulation de ces témoignages n'est pas toujours glorieux pour le système carcéral. Ce sont des bouts de vie qui font souvent mal à entendre pour un gars comme moi qui vit finalement dans la soie, en comparaison. Je vous invite à écouter ces récits carcéraux qui humanisent énormément une population marginalisée. Ça fesse. Il y a des passages qui font penser à Fargo des frères Coen, d'autres qui vous vrillent le ventre tant ce qui est raconté fait mal à l'âme. Mais on ressort de chaque épisode avec un petit quelque chose en plus, des fragments d'empathie que j'aime à croire essentiels.
Mass : 1er atterrissage à Montréal pour le pilote Lisa et le copilote Eric. Malheureusement le co-pilote n'a pas ouvert tout les volets à temps et l'avion s'est écrasé dans la salle d'attente du terminal 2. 1ère expérience avec SkyTeam, un jeu de plateau pour deux joueuses, en mode total coopératif, où on doit poser un avion sur une piste d'atterrissage. Le matériel est pas mal du tout, les règles simples et la partie se joue en moins d'une demi-heure, donc une grande rejouabilité. C'est un joli casse-tête, on a envie de rejouer direct. Franchement, c'est pas mal du tout.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Des bises
et peut-être à dimanche prochain !